La prévision et l'anticipation

Publié le par Thomas-Derevoge Philippe

                    « Gouverner c’est prévoir »

Emile de Girardin 

« Gouverner, c'est choisir. »

Duc Gaston de Lévis.

 

Ces deux adages sont exacts et en fait complémentaires : en management, le choix est déterminé par la prévision.

Nous dirons donc que :

 

              Gouverner ou diriger c’est prévoir pour savoir choisir.

  

I – Les domaines de la prévision

 

A - La prévision des ventes

 

C’est le point de départ du processus prévisionnel à tous les niveaux de l’entreprise.

En fonction des perspectives d’évolution du CA l’entreprise peut estimer :

§         ses capacités futures à générer une rentabilité satisfaisante pour ses actionnaires,

§         prévoir les moyens qu’elle devra mettre en œuvre pour répondre à la demande,

§         entreprendre la recherche de nouveaux marchés si les perspectives ne sont pas suffisantes ou si ses ambitions l’imposent.

 

La prévision des ventes est de la responsabilité du marketing qui réunit les données commerciales, industrielles, logistiques et techniques puis mesure ou apprécie leurs effets pour évaluer l’évolution du CA, des prix de vente moyens, des quantités, des marges.

B - L’appréciation des forces et faiblesses et de leur évolution

 

Elle prend en considération les différentes ressources de l’entreprise :

 

§         les ressources humaines. Pyramide des âges, évolution des niveaux de formation, facilité de recrutement,

§         les moyens techniques. Renouvellement des outils de production, innovations internes, méthodes de production et gestion de la qualité,

§         la performance de la sous-traitance et la fiabilité des approvisionnements,

§         La gamme de produits. Renouvellement, performance technique et commerciale

§         les ressources financières. Rentabilité et constitution de réserves financières, possibilité de faire appel à des investisseurs ou de trouver des partenaires,

§         la performance en management. Culture de la performance, flexibilité, qualité de la logistique, anticipation.

 

Le benchmarking (en français : étalonnage ou analyse comparative) est une technique de gestion qui consiste à étudier et analyser les performances des autres entreprises afin d’évaluer sa propre performance.Cette technique s’applique pour une juste appréciation de ses forces et faiblesses.

   

C - L’appréciation des opportunités et menaces

 

          Elle prend en compte tous les facteurs qui influent sur le marché :

 

§         les évolutions des attentes et ressources des clients,

§         les mutations technologiques,

§         les actions de la concurrence,

§         l’encadrement réglementaire,

§         les facteurs géographiques, politiques, macro-économiques et climatiques qui peuvent agir sur la demande.


 
D – Les choix stratégiques

C'est la confrontation entre les résultats du diagnostic externe et ceux du diagnostic interne qui permet de formuler des options stratégiques et constitue l'intérêt de l'analyse SWOT.
La juste appréciation des forces et faiblesses, des opportunités et menace, dépend largement de la qualité des prévisions de leur évolution, face à celle des concurrents et du marché. Une force présente peut se convertir en faiblesse dans un avenir plus ou moins proche :

-         Les profits réalisés avec les subprimes ont fragilisé le système bancaire.

-         La puissance des réacteurs du Concorde n’a pas résisté à la première crise pétrolière.

La pertinence de la stratégie, qui découle de l’analyse SWOT, est donc directement dépendante de la qualité des prévisions.

 

II – Les sources de données

 

Le manager doit être l’auditeur attentif de toutes les sources d’informations économiques d’abord, mais aussi politiques et culturelles.  Il est fondamentalement un homme de culture passionné d’information.

 

-         les références historiques

Les mêmes causes produisent généralement les mêmes effets. La comparaison de la situation présente avec celles rencontrées par le passé est un recours nécessaire sinon suffisant.

Y-a-t-il un sens de l’histoire qui puisse guider les prévisions ? Pour les marxistes, l’évolution des systèmes économiques se fait par la dialectique historique, qui aboutit à la société communiste.

Au niveau de l’entreprise, cette démarche se traduit par :

 

§         la surveillance du comportement du marché et sa comparaison avec des situations déjà rencontrées . Effets de l’inflation, impact des évolutions du pouvoir d’achat, retombées des crises politiques…

§         La prise en compte de l’évolution des réglementations et déréglementations des marchés.

§         l’analyse de l’historique des ventes. La courbe de vie des produits anciens se reproduit pour les plus récents, deux à trois années de CA permettent une projection.

§         L’analyse des données de la comptabilité générale et analytique, des ratios qui servent à mesurer la rentabilité, la structure des coûts, la productivité, la solvabilité, la liquidité, l'équilibre financier de l’entreprise.

 

-         La presse, en particulier les journaux et revues économiques, permet de passer en revue un large éventail d’hypothèses et d’analyses développées dans les articles.

-         Le Net donne accès à la plus vaste source de documentation.

-         Les groupements et syndicats professionnels, analysent en permanence les données de leur profession et permettent de confronter les points de vue des dirigeants.

-         Les administrations, les douanes, le commerce extérieur ( UBIFRance) mettent leurs analyses au service des entreprises.

-         Le CRÉDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) a mis en place depuis 1978 un dispositif permanent d'enquêtes sur les modes de vie, opinions et aspirations des Français et s'est spécialisé dans la construction de systèmes d'information, dans les enquêtes quantitatives ad hoc, dans les enquêtes qualitatives par entretien.

-         Les sociétés d’études de marché permettent de déterminer les évolutions d’une année sur l’autre, de déceler des tendances quantitatives et qualitatives.

-         Les conseils externes emploient des spécialistes de la prospective et permettent de recueillir des avis et conseils plus neutres qu’en interne.

 

III – Les outils de la prospective

 

Ils permettent de traduire les données accumulées en projections.

 

-         Les logiciels et outils mathématiques : en s’appuyant sur les statistiques et le calcul des probabilités, ils permettent d’identifier les hypothèses les plus vraisemblables ou de déterminer les choix les moins risqués.

-         La projection des données présentes et passées : c’est la méthode la plus couramment appliquée, avec, trop souvent, une approche volontariste qui conduit à déformer la courbe des tendances dans le sens de ses désirs.

 

Cas de croissances ou décroissances continues : Il faut au minimum deux années passées pour traduire une tendance, grâce à l’évolution des taux de progression (ou de régression). Sans modification significative des moyens mis en œuvre ou des facteurs de demande sur le marché, en plus ou en moins, l’année à venir reproduira les tendances de progression constatées sur les années écoulées.

Si de 0 à 1 la progression est de 10%

Si de 1 à 2  elle est de 5%, soit 50% de la précédente progression.

En 3 elle sera le plus probablement de 2.5% (50% de la précédente progression), si aucune situation nouvelle ne se produit.

Si des situations nouvelles sont prévues au programmées, alors il faudra en estimer l’impact pour corriger en plus ou en moins la projection précédente. Les différents impacts prévus et traduits en terme de CA peuvent être associés à des probabilités de réalisation. Le calcul de l’espérance mathématique E(x) permettra alors la prévision de la correction à effectuer :

Prévision a : sortie du nouveau produit A. Impact :+3%. Probabilité 1/3

Prévision b : sortie du produit concurrent B sans A. Impact –2%. Probabilité 1/3

Prévision c : sortie simultanée de A et B. Impact +1%. Probabilité 1/3

E(x)=  Σ xi . pi =  3x1/3 – 2x1/3 + 1x1/3 = 2/3 = 0.66%

La prise en compte des 3 prévisions possibles doit conduire à ajouter 0.66% de progression aux 2.5% initialement prévus.

- Cas d’inversion de tendance : elles traduisent toujours des situations nouvelles, internes ou externes,  qu’il faut tenter d’identifier et dont il faut estimer l’impact. Ceci étant fait, comme précédemment on peut associer une probabilité et un impact à la reproduction de ces situations ou à leur disparition et, par le calcul d’E(x), évaluer la prévision la plus vraisemblable.

-         Les sondages et études de marché, qualitatifs ou quantitatifs. On leur reproche souvent de traduire « ce que l’on savait déjà ». Au moins permettent-ils alors de confirmer les hypothèses des intuitions les plus justes et de prendre un risque mesuré sur la base de leurs données.

-         La modélisation : elle reproduit de façon fictive les effets de variables endogènes ou exogènes sur les comportements d’un modèle.

On définit des nomenclatures qui décrivent les constituants du modèle étudié (entreprise, segment de consommateurs, classification des produits et activités etc.), ainsi que les « lois » (éventuellement probabilistes) qui les relient (exemple : l’épargne est égale au revenu multiplié par le taux d’épargne, lui-même fonction d’autres variables).

On simule les conséquences d’hypothèses exogènes ou endogènes diverses sur le modèle étudié. Les économistes évaluent ainsi, par exemple, les conséquences d’hypothèses sur le prix du pétrole, la législation fiscale etc.

Un groupe représentatif de clients ou de distributeurs peut constituer un modèle dont les comportements seront simulés et projetés.

-         La planification permet de programmer les étapes de l’évolution en fixant des objectifs successifs et en réunissant les moyens de leur réalisation. Les diagrammes de Gantt ou les réseaux PERT ( Project evaluation and review technic) y trouvent leur application.

Trop souvent associée au système économique dirigiste, confrontée à l’accélération des mutations, la planification est décriée mais reste un moyen essentiel de la construction de l’avenir, à condition de prendre en compte la diversité des mutations et la flexibilité des économies contemporaines.

-         La logique et l’intuition : elles sont les fondements indispensables de la prévision et doivent être confrontées en permanence aux résultats des autres méthodes sans nécessairement les remettre en cause.

-          

IV- l’intégration des prévisions en management

 

Les prévisions ne sont utiles que si elles sont traduites en action. Elles permettent d’anticiper les effets des évolutions. Quand celles-ci se concrétisent, il est généralement trop tard pour réagir.

           Domaine de prévision                                     Action

ressources humaines
Recrutement, formation, licenciements,

Politique salariale

moyens de production
Investissement, maintenance, fermeture,
sous-traitance

externalisation

approvisionnement
Diversification, négociation, reconversion

 

Ressources financières
Emprunts, placements, augmentation de capital,
marché
Diversification, concentration, abandon
logistique
Stockage, déstockage, développement ou réduction des infrastructures

Sous-traitance

Mode de transport

Gamme de produits
Recherche et développement, lancements, promotion, restructuration

 

Force de vente
Motivation, stimulation, formation

 

V- Les entraves à la prévision

 

-         Le conservatisme : il refuse d’admettre les changements à entreprendre.

-         Le volontarisme : ce que l’on veut faire doit prendre en compte les réalités qui s’imposent et les intégrer dans les objectifs, ce qui ne correspond pas toujours à une démarche volontariste. Pourtant le volontarisme permet d’infléchir les tendances dans le sens fixé.

-         Les erreurs de diagnostic : toujours possibles, elles ne sont limitées que par le croisement d’analyses issues de méthodologies distinctes mais convergentes dans leurs conclusions.

-         La subjectivité interne des entreprises : seul le regard extérieur permet une appréciation objective des situations.

      -     Les conflits d’intérêts : tout changement interne à l’entreprise remet en cause les positions acquises et implique donc des résistances.
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